Paysages littéraires - Art abstrait sur bois
Paysages littéraires, assemblages de bois peint
Chacun des « Paysages littéraires » est en fait un assemblage de pièces en bois peintes, élaboré dans le but d’illustrer une scène ou une description tirée d’un roman en particulier. Par des formes géométriques animées de couleurs et/ou de motifs graphiques, j’ai voulu évoquer la singularité de moments littéraires forts, de scènes qui ont marqué mon parcours de lectrice. Ainsi, j’ai travaillé ma vision abstraite de la plage sur laquelle Meursault tue l’Arabe dans L’Étranger d’Albert Camus, celle des taches de sang fascinantes sur la neige dans Un Roi sans Divertissement de Jean Giono, et enfin celle des fonds marins quasi-surnaturels décrit par Jules Verne dans Vingt Mille Lieues sous les Mers.
La Plage - d'après L’Étranger d’Albert Camus
La Plage, d'après le roman "L'Etranger", d'Albert Camus
C’était le même éclatement rouge. Sur le sable, la mer haletait de toute la respiration rapide et étouffée de ses petites vagues. Je marchais lentement vers les rochers et je sentais mon front se gonfler sous le soleil. Toute cette chaleur s’appuyait sur moi et s’opposait à mon avance. Et chaque fois que je sentais son grand souffle chaud sur mon visage, je serrais les dents, je fermais les poings dans les poches de mon pantalon, je me tendais tout entier pour triompher du soleil et de cette ivresse opaque qu’il me déversait. À chaque épée de lumière jaillie du sable, d’un coquillage blanchi ou d’un débris de verre, mes mâchoires se crispaient. J’ai marché longtemps.
Je voyais de loin la petite masse sombre du rocher entourée d’un halo aveuglant par la lumière et la poussière de mer. Je pensais à la source fraîche derrière le rocher. J’avais envie de retrouver le murmure de son eau, envie de fuir le soleil, l’effort et les pleurs de femme, envie enfin de retrouver l’ombre et son repos. Mais quand j’ai été plus près, j’ai vu que le type de Raymond était revenu.
Il était seul. Il reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans les ombres du rocher, tout le corps au soleil. Son bleu de chauffe fumait dans la chaleur. J’ai été un peu surpris. Pour moi, c’était une histoire finie et j’étais venu là sans y penser.
Dès qu’il m’a vu, il s’est soulevé un peu et a mis la main dans sa poche. Moi, naturellement, j’ai serré le revolver de Raymond dans mon veston. Alors de nouveau, il s’est laissé aller en arrière, mais sans retirer la main de sa poche. J’étais assez loin de lui, à une dizaine de mètres. Je devinais son regard par instants, entre ses paupières mi-closes. Mais le plus souvent, son image dansait devant mes yeux, dans l’air enflammé. Le bruit des vagues était encore plus paresseux, plus étale qu’à midi. C’était le même soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait déjà deux heures que la journée n’avançait plus, deux heures qu’elle avait jeté l’ancre dans un océan de métal bouillant. À l’horizon, un petit vapeur est passé et j’en ai deviné la tache noire au bord de mon regard, parce que je n’avais pas cessé de regarder l’Arabe.
J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute un plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J’ai fait quelques pas vers la source. L’Arabe n’a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l’air de rire. J’ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j’ai senti des gouttes de sueur s’amasser dans mes sourcils. C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. À cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j’ai fait un mouvement en avant. Je savais que c’était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d’un pas. Mais j’ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l’Arabe a tiré son couteau qu’il m’a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame étincelante qui m’atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d’un coup sur les paupières et les a recouvertes d’un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlant rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse et c’est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant que tout a commencé. J’ai secoué la sueur du soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, je silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.
Détails - La Plage, d'après le roman "L'Etranger" d'Albert Camus
Pour « La Plage » de L’Étranger, je me suis concentrée sur la lumière et la chaleur oppressantes du bord de mer, qui, malgré un calme apparent, se révélera le théâtre d’un drame…
Les formes sont angulaires pour préfigurer la violence finale de la scène, mais aussi simplifiées, comme à travers le regard de Meursault, aveuglé par la chaleur et la sueur. Les motifs utilisés sur les formes de bois illustrent le rayonnement intense du soleil pour certains, marquant un contraste avec les autres qui, par des coulures et des taches (comme du sang) imparfaites traduisent le désastre du meurtre, la destruction de « l’équilibre du jour ».
La lecture du manuscrit de L'Étranger inspira à André Malraux des remarques stylistiques qui furent communiquées à Camus par son ami Pascal Pia. Malraux notait l'usage abusif que Camus faisait...
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La Neige - d'après Un Roi Sans Divertissement de Jean Giono
La Neige, d'après le roman "Un Roi Sans Divertissement", de Jean Giono
« (…) le sang, le sang sur la neige, très propre, rouge et blanc, c’était très beau. »
Détails - La Neige, d'après le roman "Un Roi Sans Divertissement" de Jean Giono
Cette composition qui s’inspire de la fascination des personnages de Un Roi Sans Divertissement de Jean Giono pour des taches de sang frais sur la neige est la plus minimaliste des trois.
Différentes « couches de neige » sont superposées. Pour les deux plus grandes, les couleurs utilisées sont très claires et se démarquent peu du blanc de la neige. Les lignes vertes font écho aux « itinéraires » ou « poursuites » des personnages du roman, que ce soit dans le village et à travers les montagnes (pour la traque du meurtrier) ou à travers la forêt (pour la battue au loup). Cet entrecroisement est repris avec les lignes bleues qui , elles, présentent en plus une symétrie en clin d’œil à l’architecture des flocons de neige. La tache de sang rouge apparaît alors de manière violente et incongrue dans cette harmonie d’hiver.
Un roi sans divertissement - Wikipédia
Le titre Un roi sans divertissement renvoie à la phrase qui clôt le roman et que Giono emprunte aux Pensées de Pascal : un roi sans divertissement est un homme plein de misères (fragment 142 de...
Découvrez-en plus sur le roman de Jean Giono, "Un Roi Sans Divertissement"
L'Océan - d'après Vingt Mille Lieues sous les Mers de Jules Verne
L'Océan, d'après le roman "Vingt Mille Lieues Sous les Mers", de Jules Verne
Pendant deux heures, toute une armée aquatique fit escorte au Nautilus. Au milieu de leurs jeux, de leurs bonds, tandis qu'ils rivalisaient de beauté, d'éclat et de vitesse, je distinguai le labre vert, le mulle barberin, marqué d'une double raie noire, le gobie éléotre, à caudale arrondie, blanc de couleur et tacheté de violet sur le dos, le scombre japonais, admirable maquereau de ces mers, au corps bleu et à la tête argentée, de brillants azurors dont le nom seul emporte toute description, des spares rayés, aux nageoires variées de bleu et de jaune, des spares fascés, relevés d'une bande noire sur leur caudale, des spares zonéphores élégamment corsetés dans leurs six ceintures, des aulostones, véritables bouches en flûte ou bécasses de mer, dont quelques échantillons atteignaient une longueur de un mètre, des salamandres du Japon, des murènes échidnées, longs serpents de six pieds, aux yeux vifs et petits, et à la vaste bouche hérissée de dents, etc.
Notre admiration se maintenait toujours au plus haut point. Nos interjections ne tarissaient pas. Ned nommait les poissons, Conseil les classait, moi, je m'extasiais devant la vivacité de leurs allures et la beauté de leurs formes. Jamais il ne m'avait été donné de surprendre ces animaux vivants, et libres dans leur élément naturel.
Détails - L'Océan, d'après le roman "Vingt Mille Lieues Sous les Mers" de Jules Verne
Toutes ces formes qui, à priori, n’ont rien à voir entre elles, constituent mon interprétation de la description des fonds marins par le narrateur de Vingt Mille Lieues Sous les Mers, le Professeur Aronnax.
Dans ce tableau, chaque découpe de bois dispose de sa propre individualité : elle a ses propres couleurs et son propre graphisme, comme chaque espèce marine dispose de ses propres caractéristiques physiques et génétiques. Mais la complémentarité des formes et la présence de noir sur chacune d’elles induisent toutefois une notion d’unité : il s’agit d’une même vision, qui ne dure qu’un instant (quelques heures) et dans le même milieu (l’océan). Les formes cohabitent telles les créatures marines dans un écosystème commun. Enfin, le cadre (presque) rectangulaire dans lequel l’assemblage de formes s’inscrit évoque la fenêtre du sous-marin par laquelle les personnages observent l’extérieur, et si certains morceaux dépassent, c’est pour montrer que la magie continue bien au-delà de cette petite vitre, dans l’immensité de l’océan.
Vingt mille lieues sous les mers - Wikipédia
Rédigée en sa villa " La Solitude " dans la commune du Crotoy, l'œuvre ne trouve son titre définitif qu'en ce printemps de l'année 1868 ; Verne avait hésité auparavant entre Voyage sous les ...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vingt_mille_lieues_sous_les_mers
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Landscape & Literature - Abstract art on wood - Alice Maynard
Landscape & Literature - Abstract art on wood Landscape & Literature, paint on wood Each artwork of " Landscape & Literature " is an assembly of painted wood pieces, made to illustrate a scene or a
http://www.alice-maynard.com/2017/04/landscape-literature-abstract-art-on-wood.html
Version anglaise ; Available in English